Commission de l'éthique en science et en technologie

L’inclusion des groupes de différentes ascendances génétiques dans la recherche en génomique

Le National Institute of Health (NIH), qui rassemble les institutions gouvernementales s’occupant de la recherche biomédicale aux États-Unis, a mis à la disposition des chercheurs une banque de données comprenant près de 100 000 génomes complets. Une des particularités du programme est l’accent mis sur la diversité ethnique de la cohorte. 

5 mai 2022 Génétique, Santé, Protection des sujets de recherche, Données numériques et massives

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En mars dernier, le National Institute of Health (NIH), qui rassemble les institutions gouvernementales s’occupant de la recherche biomédicale aux États-Unis, a mis à la disposition des chercheurs une banque de données comprenant près de 100 000 génomes complets. Dans le cadre du programme de recherche baptisé All of Us, les génomes anonymisés sont mis en lien avec les dossiers médicaux des patients respectifs et d’autres types de données (sans identifiants). De manière générale, l’objectif de la recherche en génomique est de mieux comprendre le rôle des gènes et des variants génétiques dans l’apparition de maladies et de découvrir des cibles thérapeutiques.

Une des particularités du programme All of Us, qui vise l’inclusion d’un million de génomes, est l’accent mis sur la diversité ethnique de la cohorte. En effet, la plupart des recherches en génomique sont réalisées sur des jeux de données comprenant en très grande majorité les génomes de personnes d’ascendance européenne. Or, All of Us comprend à l’heure actuelle 50% de participants afro-américains, hispaniques et asiatiques.  

La recherche en génomique et les soins de santé

La recherche en génomique permet d’améliorer les soins de santé. En effet, les connaissances en génétiques permettent de diagnostiquer certaines maladies génétiques; d’identifier des facteurs de risque génétiques de maladies et de prédire ou d’estimer la probabilité de l’apparition de celles-ci; ainsi que de prédire l’évolution de la maladie (pronostic).

Sur le plan des interventions thérapeutiques, la recherche en génomique aide à développer des traitements (ex. identifier des cibles thérapeutiques), mais aussi à révéler les interactions entre les gènes et les traitements de manière à personnaliser les soins. En effet, la pharmacogénomique étudie la manière dont le bagage génétique d’un individu ou un groupe a un effet sur leur réponse à différents médicaments, ce qui permet de faire des choix thérapeutiques optimaux et d’éviter des effets indésirables. Par exemple, la mutation du gène KRAS est associée à une faible réponse au cétuximab (Erbitux) et au panitumumab (Vectibix) dans les cas de cancer du côlon. Les patients atteints de cette maladie et qui sont porteurs de cette mutation génétique ne peuvent donc pas profiter autant des bénéfices de ces traitements.

Les enjeux éthiques dans la recherche en génomique

La recherche en génomique soulève d’importants enjeux éthiques en ce qui a trait, notamment, à l’accès aux banques de données et à leur commercialisation (ex. en 2018, l’entreprise privée d’analyse génétique 23andMe a vendu l’accès à sa banque de donnée à la pharmaceutique GlaxoSmithKline), à la protection de la vie privée et aux risques de discrimination génétique (ex. emploi, assurances).

Équité dans l’accès aux bénéfices de la recherche

Le programme All of Us cherche à répondre à un enjeu éthique en particulier, soit celui de l’équité dans la représentation de la diversité ethnique dans la recherche. De 80% à 90% des personnes incluses dans les études d’envergure en génomique sont de descendance européenne. Or, lorsque les cohortes de sujets de recherches sont insuffisamment diversifiées et inclusives, les connaissances et les soins qui en découlent ne sont pas toujours adaptés aux populations sous-représentées.

En effet, le bagage génétique varie en fonction des origines ethnogéographiques. Bien que le concept de « race » n’ait pas de fondement biologique, on sait néanmoins que des groupes humains (clusters) ont évolué un peu différemment et que leurs membres partagent des variants qui les rendent génétiquement plus proches. Ces particularités génétiques peuvent avoir une incidence sur le diagnostic et la prédiction (ex. identification de variants spécifiques, calcul des probabilités d’apparition de la maladie) puis sur l’efficacité des traitements et des stratégies de prévention.

Le manque de connaissance sur ces variations ethniques peut se traduire par des soins mal adaptés pour une partie de la population. Ainsi, il y a iniquité dans la distribution des bénéfices de la recherche en génomique, ce qui risque de surcroit d’accentuer des inégalités de santé déjà existantes. Cette iniquité est particulièrement problématique dans les pays occidentaux comprenant une forte population d’ascendance non européenne. Elle se reproduit aussi entre les pays au niveau mondial.

La construction de cohortes génétiquement diversifiées conduit à des connaissances plus approfondies et à des soins mieux adaptés. Cependant, dans certaines communautés, le recrutement de personnes d’ascendance non européenne pose d’importants défis. En effet, certaines communautés sont méfiantes vis-à-vis de la recherche biomédicale en raison des préjudices qu’elles ont historiquement subis (pensons notamment aux communautés noires et autochtones). Afin de remédier à cette situation, il faut reconstruire et cultiver des relations de confiance avec ces communautés en misant sur la transparence, sur leur participation à toutes les étapes des projets, sur le contrôle des communautés sur leurs données, ainsi que sur l’équité dans la distribution des risques et des bénéfices.