Commission de l'éthique en science et en technologie

De nombreux développements ont marqué les derniers mois en ce qui concerne l’utilisation et l’encadrement des systèmes d’intelligence artificielle générative (IAg) dans le milieu de l’enseignement supérieur.

D’abord, en août dernier, le ministère de l’Enseignement supérieur (MES)  annonçait la publication de deux documents de référence pour guider le réseau de l'enseignement supérieur dans l'intégration et l'utilisation des outils d'IA. Ces documents faisaient suite aux travaux de l’Instance de concertation nationale sur l’IA en enseignement supérieur, mise sur pied l’automne dernier à la suite des recommandations du rapport de la CEST et du CSE.

Ensuite, plusieurs actrices et acteurs des milieux de l’enseignement supérieur ont poursuivi, depuis la publication du rapport, une mobilisation active, avec la production d’un grand nombre d’outils, guides, ateliers, formations et principes directeurs. De plus, les modèles d’IAg ont généralement gagné en puissance et en polyvalence, et une variété d‘outils et d’usages fondés sur ces technologies ont vu le jour, dont des logiciels spécialisés en soutien à l’enseignement, en tutorat ou en appui à la recherche. Enfin, les ressources disponibles et le niveau d’encadrement de l’IAg demeurent inégaux selon les établissements, illustrant le besoin de bases communes.

Dans le contexte de ces développements, nous proposons de réexaminer certaines des positions du rapport conjoint de la CEST et du CSE. Nous nous concentrerons sur les enjeux relatifs à l’intégrité académique et à l’apprentissage.

Une culture de l’intégrité à consolider

Dans un contexte où l’arrivée des systèmes d’IAg a accentué les inquiétudes relatives aux risques de plagiat ou de fraude académique et les enjeux d’équité qui en découlent, le rapport conjoint insiste sur la nécessité de favoriser une culture de l’intégrité et d’éviter de tomber dans une posture d’hypervigilance ou de contrôle. Les mesures de surveillance seraient non seulement peu efficaces pour détecter et dénoncer d’éventuelles utilisations frauduleuses de ces outils, mais risqueraient par ailleurs de nuire à la relation de confiance entre les personnes enseignantes et étudiantes, cruciale pour l’apprentissage.

Dans les résultats d’un sondage publié le mois dernier et réalisé auprès de 4400 personnes étudiantes et enseignantes de cégeps et universités de la région de Montréal, on apprenait que les enjeux d’intégrité figurent encore parmi les principales inquiétudes des personnes enseignantes, 92 % d’entre elles évoquant le plagiat et la tricherie comme risque principal associé aux outils d’IAg. Le même sondage apportait également un premier éclairage sur les principaux usages des outils d’IAg par les personnes étudiantes, celles-ci les mobilisant notamment pour comprendre un sujet (70 %), résumer des textes (62 %), générer des idées de départ (53 %), des paragraphes (12%) ou des textes complets (6%).

De plus, différentes études publiées depuis un an mettent davantage en lumière les limites de la surveillance en matière de systèmes d’IAg. En effet, des études tendent à confirmer l’inefficacité relative des logiciels de détection de l’IA : ceux-ci génèrent couramment des diagnostics erronés, pouvant mener à de fausses accusations de plagiat. Plusieurs stratégies peuvent d’ailleurs permettre de contourner aisément la détection, par exemple en modifiant plusieurs fois un texte. Enfin, certaines études suggèrent que les enseignants surestiment leur capacité à détecter eux-mêmes l’utilisation d’outils d’IAg, posant encore une fois le risque de soupçons ou d’accusations de plagiat non fondées.

Il importe ainsi de poursuivre le développement de pratiques évaluatives minimisant les opportunités de plagiat et de politiques institutionnelles adaptées à ces nouvelles réalités. Ces développements nécessitent évidemment diverses formes de soutien aux personnes enseignantes (soutien pédagogique, temps de formation, mutualisation, etc.), en particulier dans un contexte où ces dernières pourraient ressentir une fatigue technologique cumulée, en raison de la pandémie puis de l’arrivée de ces nouveaux outils.

Effets sur l’apprentissage : un besoin encore criant de connaissances

Devant l’incertitude quant aux risques et aux bienfaits de l’IAg pour l’apprentissage, le rapport conjoint propose d’utiliser la notion d’alignement pédagogique comme repère quant à la pertinence d’intégrer ou d’interdire des outils d’IAg à l’échelle d’un cours ou d’un programme.

L’alignement pédagogique est un principe selon lequel les activités d’apprentissage et d’évaluation devraient s’arrimer aux objectifs pédagogiques sous-jacents. Appliqué au contexte des outils d’IAg, ce principe implique que le recours à ces outils devrait se faire à condition d’améliorer l’apprentissage, par une cohérence entre les objectifs pédagogiques, les activités d’apprentissage et les modalités d’évaluation. L’alignement pédagogique implique la responsabilité professionnelle des personnes enseignantes, qui demeurent les mieux placées pour effectuer ce jugement. Pour ce faire, celles-ci doivent toutefois bénéficier de données fiables sur les effets des outils d’IAg sur l’apprentissage et du soutien approprié.

Au moment de publier le rapport, peu d’études étaient disponibles sur les effets des systèmes d’IAg sur l’apprentissage. Or, plusieurs études sur le sujet ont été publiées depuis. Ces dernières offrent certains éclairages, bien qu’il existe encore plusieurs zones d’ombre :

  • D’un côté, des études rapportent certains effets positifs du recours à des outils d’IAg lors d’activités d’apprentissage. Une méta-étude publiée en avril rapportait par exemple un effet généralement positif de l’usage de ces outils sur la performance académique et sur la motivation. Ces résultats vont dans le même sens que d’autres études et méta-études publiées précédemment qui constataient des corrélations positives sur ces deux paramètres. La plupart des études en question concernaient toutefois un recours à l’IAg dans des conditions bien encadrées, en classe et sous la supervision des personnes enseignantes. L’état des lieux dans un contexte d’évaluation à distance semble beaucoup moins évident.
  • D’un autre côté, certaines études documentent des effets négatifs sur des aspects différents de l’apprentissage, tels que l’effort mental ou le développement de l’esprit critique. Une étude publiée cette année rapportait par exemple qu’une trop grande dépendance des personnes étudiantes aux systèmes d’IAg aurait un effet négatif sur le développement de l’esprit critique. Dans une étude plus récente à l’état de prépublication, une équipe du MIT a demandé à 54 participants de rédiger des essais avec trois méthodes : sans outil, avec le moteur de recherche Google ou avec ChatGPT. L’activité cérébrale mesurée a notamment révélé que l’usage de ChatGPT réduisait significativement l’effort intellectuel, y compris lorsqu’on demandait au groupe ayant d’abord utilisé ChatGPT de rédiger un nouvel essai sans se servir de l’outil. Bien que les études sur ces aspects plus spécifiques de l’apprentissage soient en nombre plus limité, ces observations coïncident avec des résultats obtenus dans le cadre d’une étude concernant le recours aux systèmes d’IAg par le personnel professionnel.

Ces résultats sont à interpréter avec prudence et dépendent vraisemblablement des disciplines, des types d’usages, des contextes d’implantation et des dimensions spécifiques de l’apprentissage étudiées. Ils mettent toutefois en lumière l’importance de poursuivre les recherches dans ce domaine émergent, et permettent de réaffirmer la pertinence d’une mutualisation des expériences, déjà bien amorcée dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur.

Des recommandations toujours d’actualité

Cette mise à jour concernant les enjeux relatifs à l’intégrité et à l’apprentissage permet de constater que les milieux de l’enseignement supérieur sont toujours à plusieurs égards dans une période d’incertitude, de transition et d’expérimentation. Si ceux-ci ont réalisé un travail considérable de mise en commun, les ressources disponibles et le niveau d’encadrement de l’IAg demeurent inégaux selon les établissements, et plusieurs des pistes d’actions du rapport demeurent d’actualité.

➡️ Pour consulter l’avis complet et ses recommandations : https://ethique.gouv.qc.ca/fr/publications/iagenerative/

 

 

 

Date de mise en ligne : 9 octobre 2025
IA générative en enseignement supérieur : quelles avancées et quels défis pour l’intégrité et l’apprentissage?

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